Les parents d’Aaron Klug, né le 11 août 1926 à Zelvas, en Lithuanie, sont partis s’installer en 1928 en Afrique du Sud, à Durban, où résidait déjà la famille de sa mère. Il fait ses études secondaires à la Durban High School, où l’on dispensait un enseignement essentiellement littéraire. L’école possédait une excellente bibliothèque, et c’est en lisant le Microbe Hunters de Paul De Kruif, que lui vint l’idée d’étudier la médecine et la microbiologie.
Il s’inscrit en année préparatoire à l’Ecole de Médecine de l’Université Nitwatersand de Johannesburg, et y étudie, parmi d’autres matières, la biochimie et la chimie physiologique. Ayant pris conscience de l’insuffisance de ses bases, il décide alors de suivre des cours de mathématiques, de physique et de chimie, et obtient en 1945 le dip16me de Bachelor of Science. Décidé à se lancer dans la recherche en physique, il s’inscrit ensuite à l’Université de Cape Town, où il reçoit le titre de Master of Science en 1946.
C’est là qu’il a la chance de rencontrer le professeur R. W. James, cristallographe reconnu, qui a introduit en Afrique du Sud les traditions de la célèbre école de Bragg de Manchester. Klug s’initie aux techniques optiques et cristallographiques, et étudie avec passion l’ouvrage de James, The Optical Principles of the Diffraction of X-Rays. Au laboratoire, il effectue des analyses aux rayons X pour établir la structure de petites molécules organiques, calculant entre autres leurs longueurs de liaison grâce à la mécanique quantique. En 1949, il part pour Cambridge, en Angleterre, dans le fameux laboratoire Cavendish, où il prépare puis soutient, trois ans plus tard, une thèse en physique des solides. L’année suivante, il est assistant au département des sciences colloïdales, puis entreprend en 1954 sa carrière de chercheur (Nuffield Fellow, 1954-1957) au laboratoire cristallographique du Birkbeck College de Londres, où il est responsable du projet de recherche sur les virus.
C’est en travaillant chez le professeur Bemal, un pionnier dans l’étude des virus, qu’il rencontre une chercheuse pleine de talent, Rosalind Franklin. Une collaboration fructueuse s’engage entre eux pour déterminer les structures du virus de la mosaïque du tabac; elle marquera tous les travaux futurs de Klug. Mais le décès prématuré de Rosalind Franklin en 1958, à l’âge de 38 ans, conduit alors Klug à prendre la direction du groupe de recherche qu’elle avait constitué au Birkbeck College. En 1962, l’équipe va s’installer à Cambridge, dans le laboratoire Cavendish (MRC, biologie moléculaire), où se trouvaient Kendrew, Perutz, Crick et Brenner, tous mondialement connus. Pendant une vingtaine d’années, avec ses collaborateurs, Klug effectue des travaux de toute première importance sur les virus, et mène à bien les recherches sur les complexes protéines-acides nucléiques qui lui vaudront le prix Nobel.
A Londres, Klug avait d’abord travaillé sur l’architecture des virus. Comme nous le savons, les virus sont incapables de croître ou de se diviser. En revanche, à l’intérieur d’une cellule, ils peuvent être "recopiés" un grand nombre de fois. Klug étudie celui qui avait déjà retenu l’attention de Rosalind Franklin à cause de sa simplicité, le virus de la mosaïque du tabac. Comme les autres, il se compose d’ARN et d’une coque protéique appelée Capside, et chargée d’entourer et de protéger l’ADN dont le programme déclenche la multiplication du virus dans la cellule. Grâce aux mesures chimico-physiques, au développement de modèles mathématiques, et à la technique cristallographique de diffraction X qu’il a mise au point, Klug a pu décrire avec précision l’architecture du virus du tabac. Ce demier a la forme d’un bâtonnet de 3 millièmes de millimètre de long et de 0,18 de diamètre (cf.micrographie ci-contre), constitué par un long filament d’ARN enroulé en spirale, et protégé par une capside hélicoïdale de plus de 2000 molécules de protéines.
Une autre classe de virus, les virus sphériques, a retenu également son attention. Elle l’a conduit à travailler en coopération avec Don Caspar. En 1962, tous deux formulent une généralisation du principe de symétrie appelée "principe de quasi-équivalence", dans laquelle ils relâchent la condition d’équivalence stricte, et admettent l’intervention d’interactions énergétiques ne respectant pas les règles de symétrie. En revanche, ce concept permet de rendre compte de la structure d’objets biologiques multimoléculaires de dimensions pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines d’Angstroms. Klug établit également les lois régissant l’autoassemblage de ces édifices à partir de leurs composants macromoléculaires. Il a en outre réussi à déterminer, par voie cristallographique, la structure d’un acide nucléique particulier, l’ARN de transfert.
Il s’est, plus récemment, intéressé à l’organisation matérielle génétique dans le noyau. Il est vrai que, depuis la découverte de la double hélice par Crick et Watson, le problème du repliement du long filament d’ADN, mesurant plus d’un mètre, dans le génome humain, à l’intérieur du noyau de quelques microns de diamètre, était resté sans solution. Klug s’attaque à ce problème. La question touche à la chromatine, substance qui constitue le noyau cellulaire : en effet, les cellules des organismes supérieurs nommées eucaryotes se caractérisent par le fait que leurs chromosomes sont inclus dans un noyau séparé du cytoplasme par une membrane. La chromatine forme un amas moléculaire qui se détache par sa couleur du cytoplasme de la cellule; elle consiste en une très longue macromolécule de la famille des acides aminés (ADN) associée à des molécules de protéines plus petites. Dans les organismes eucaryotes, l’ADN est articulé en chromosomes, et l’on doit à Klug d’avoir contribué à élucider la nature des nucléosomes qui possèdent des structures élémentaires et permettent, au sein des chromosomes, de mettre sous forme compacte de longs filaments d’ADN. Cela peut se faire grâce à des protéines spéciales, les histones, qui interagissent avec l’ADN pour former les nucléosomes. Ces demiers, de forme sphérique, donnent à la chromatine une apparence quelque peu comparable à un collier de perles.
Toutes les recherches de Klug témoignent d’un esprit mathématico-physique rigoureux, qu’il doit à sa formation initiale. Organisateur remarquable, il n’a pu mener à bien ses travaux impressionnants qu’en s’entourant de collaborateurs efficaces et en s’assurant la coopération de laboratoires étrangers. Il a notamment entretenu des contacts avec les chercheurs de l’Uinversité de Strsbourg, qui travaillaient sur les virus des plantes. Il a reçu le titre de docteur honoris causa de plusieurs Universités, parmi lesquelles celle de Strsbourg. |